Radioscopie – Giani Esposito – 27/04/1970 – Page 9

 

J.C. : Pascale Petit, ça a été une grande chance de votre vie ?

G.E. : Ca a été une rencontre… très profonde, certainement, et c’est quelqu’un pour qui j’ai… beaucoup de tendresse, dont je comprends les difficultés et le combat et que j’estime beaucoup, justement parce que elle a eu le courage… alors qu’elle avait une position où elle pouvait très bien n’être qu’une actrice, elle a exposé d’autres problèmes. Elle l’a payé assez cher. Vous savez, on paye très cher les questions qu’on se pose et celui qui, justement, dit ” Qui ” de tout son être, ne sait pas ce qui peut lui tomber dessus. De toute façon, ce qui peut lui tomber dessus n’est rien à côté de cette joie qu’il a à exister. Parce qu’à partir du moment où on pose ce rapport avec l’Absolu on est, on commence à être.

J.C. : Est-ce que vous avez l’étoffe d’un bon mari ? Est-ce que vous auriez l’étoffe d’un bon mari maintenant ?

G.E. : Je ne sais pas, alors là, honnêtement, je ne sais pas.

J.C. : C’est une question que vous ne vous posez pas ?

G.E. : Non.

J.C. : Parce que la vie à deux pour vous ce n’est pas un avenir.

G.E. : Je crois que, étant très, très profondément créateur, je dois être assez éprouvant pour quelqu’un qui… ou alors qui soit créateur…c’est ça, le problème, mais autrement les heures de solitude qu’il me faut pour travailler, ce n’est pas la solitude de l’existence, c’est une solitude nécessaire que vous devez connaître vous pour faire votre travail, cela, c’est certainement dur pour certaines femmes.

J.C. : Ce n’est pas du narcissisme, mais c’est déjà de l’égoïsme.

G.E. : Je ne crois pas, il faut être simple. Pour créer, il faut du temps… Si là j’apprends la guitare, il me faut tant d’heures par jour de travail. Qu’est ce que vous voulez, sans ça, je ne saurai jamais…

J.C. : Il n’y a pas que le travail dans la vie ? Il y a ce qu’on peut donner aux autres.

G.E. : Oui, c’est pour ça que je vous ai dit que je voulais devenir un homme public, et non un chanteur, un homme public non pas dans le sens de célèbre, mais un homme qui peut justement, comme aujourd’hui, s’exprimer et peut-être dans les mois qui viennent ou les années qui viennent…soit sur une scène soit… J’aimerais beaucoup…. on m’avait invité au Campus de Nanterre, vous voyez, j’aimerais beaucoup faire des campus et, après, dialoguer avec les gens. C’est ça qui me plairait. Donc, voyez, je ne cherche pas l’isolement. Il faut savoir qu’il y a un temps pour s’isoler, un temps pour se publier, un temps de nouveau pour s’isoler, se recharger et un temps pour donner.

J.C. : Quelle est la place de votre fille dans votre vie ?

G.E. : Ah, certainement que c’est un.. mes deux filles, j’ai deux filles.

J.C. : Elles s’appellent comment ?

G.E. : Bojidarka et Crassimira.

J.C. : Ce n’est pas facile à retenir.

G.E. : Mais c’est beau. Ça veut dire ” Don de Dieu ” et l’autre ” Beauté Rayonnante dans le monde “.

J.C. : Quel âge ont-elles ?

G.E. : Six ans et demi et trois ans et demi.

J.C. : Ça va beaucoup plus loin. Le Napolitain c’est autre chose.

G.E. : Si je n’avais pas ces enfants, certainement que je vivrais encore plus en marge de la société. Ça m’oblige à une vie… ça m’oblige à gagner quand même un peu plus d’argent.

J.C. : Cela vous oblige à préparer leur avenir.

G.E. : Voilà, et je pense que c’est bien, puisqu’elles sont là. Je ne me révolte pas. Je ne suis pas un révolté, je vous l’ai dit, je ne crois qu’à une révolution, c’est la révolution intérieure, c’est la plus difficile et c’est celle qu’on affronte le moins. On aime mieux jeter des pierres en dehors qu’en soi.

J.C. : Vos filles aiment bien vos chansons ?

G.E. : C’est des tests. Quand je suis au piano, que je les vois, surtout certaines, je pense au “Noble Rossignol à l’époque Ming “, j’ai su que ça toucherait pas mal de gens parce qu’elles dansaient dessus. C’est formidable quand les enfants vibrent.

Par contre, il y a des enfants…..mais pas elles, les enfants d’amis, je vous ai parlé de deux enfants qui vraiment écoutaient ce disque grave. C’était leur âme qui écoutait. Ils ne pouvaient pas comprendre le texte, ce n’est pas possible !

J.C. : Vous aimez toucher les enfants ?

G.E. : Oui, j’aime beaucoup les enfants.

J.C. : C’est par là qu’on commence ?

G.E. : C’est par là où on commence, c’est par là qu’il faut repasser, c’est ce qu’il faut retrouver. C’est d’abord un âge, ensuite c’est un état d’esprit.

J.C. : Luc Berimond a trouvé une jolie phrase pour vous dépeindre. Il dit : “Giani Esposito campe à l’ultime frontière reculée de la chanson.” C’est déjà le bivouac.

G.E. : Oui, ça annonce le désert.

J.C. : Je n’ai pas voulu dire cela. Remarquez, il y a de grandes traversées du désert.

G.E. : Mais c’est nécessaire le désert.

J.C. : Est-ce qu’il s’agit bien d’une chanson d’ailleurs, lorsque vous composez ?

G.E. : C’est des actes, pour moi c’est plutôt des actes. Des actes lyriques si vous voulez. Puisque j’ai des dons pour ça, autant les manifester.

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