Télé Actualité Magazine

Numéro 567

Publié le 3 septembre 1966

Article d’Agnès Rondeau à l’occasion de la diffusion du téléfilm “Gerfaut” le samedi 3 septembre 1966 sur la 1ère chaîne : “Gianni Esposito abandonne sa famille pour venir méditer dans cette chambre”.

Giani Esposito - Telemagazine 567 - Gerfaut Giani Esposito - Telemagazine 567 - Gerfaut
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GIANNI ESPOSITO ABANDONNE SA FAMILLE POUR VENIR MÉDITER DANS CETTE CHAMBRE

Dans sa « tour d’ivoire », Gianni Esposito se livre à des études ardues. Il travaille sur les textes anciens. Avant de partir en Palestine, il décida d’apprendre l’hébreu. Aujourd’hui, il se consacre surtout à la médecine et à la biologie.

Voici la retraite secrète de Gianni Esposito, le romantique héros de «Gerfaut». C’est dans cette chambre isolée, au dernier étage d’une villa de la vallée de la Seine, perdue dans les arbres, que le comédien le plus mystérieux de Paris se retire quand il veut se recueillir, méditer, travailler ou composer.
Dans cette pièce claire et silencieuse un lit étroit, un bureau qui croule sous les revues et les papiers, tout un mur tapissé de rayonnages qui regorgent de livres, dans un coin un couple de mésanges en cage, et, un peu partout, des photos d’un noble vieillard, le mage bulgare Aivanhov. Ce mystérieux vieillard, c’est tout le secret de Gianni Esposito. Leur rencontre, il y a six ans, a complètement bouleversé l’existence du jeune comédien. Il lui a apporté la foi et l’amour.
L’amour sous les traits de la ravissante comédienne Pascale Petit. C’est en effet Pascale qu’il rencontra en 1959, au Festival de Moscou, qui lui donna l’adresse du mage. Leur goût pour le mysticisme et l’occultisme les avait rapprochés, l’enseignement du mage devait finir de les unir. Depuis 1963, Gianni et Pascale sont mariés, ils ont deux adorables petites filles, Bodijarka, trois ans et blonde comme les blés, et Nathalia, deux mois, aussi brune déjà que son père.

Solitude et silence

Tous quatre mènent une existence paisible à la campagne dans une très jolie petite maison de la vallée de Chevreuse. Gianni Esposito y est heureux mais, lorsqu’il veut vraiment se retrouver lui-même dans la solitude et le silence, il retourne chez sa soeur, à une cinquantaine de kilomètres de là, dans son ancienne chambre “de jeune homme”.
Élevé dans la religion catholique, Gianni Esposito, d’origine italienne, avait à l’âge de quinze ans “réglé la question” comme beaucoup de jeunes gens. Le théâtre l’attirait, il devint un comédien apprécié, particulièrement servi par son physique exceptionnel de jeune premier romantique. Tout marchait fort bien, sa carrière s’annonçait belle, mais le jeune homme restait insatisfait. Il n’était pas heureux, il avait vingt-neuf ans
Il se mit alors à lire énormément, surtout les livres orientaux, il chercha. Et, en 1960, ce fut la rencontre avec le mage Aïvanhov…
Depuis, II est transformé. Adepte de l’église joannite qui se base sur l’Évangile selon saint-Jean et s’appuie sur les doctrines occultes, Gianni Esposito mène aujourd’hui une vie que certains qualifieraient d’ascétique. Il est végétarien, depuis six ans il n’a pas touché un morceau de viande. Il ne boit plus d’alcool ; lui qui était un grand fumeur il a totalement renoncé au tabac. Le plus souvent possible il rejoint, le matin, d’autres membres de la secte pour prendre ensemble le petit déjeuner, avant le travail. Ses vacances, il les passe avec sa famille près de Fréjus dans une Communauté. Dans une grande propriété perdue en pleine campagne, levé aux aurores il va méditer devant le soleil qui se lève, il prend ses repas en commun dans le silence le plus complet et partage son temps entre le recueillement, le chant, la peinture et les travaux manuels. Là, il n’est plus Gianni Esposito, le comédien célèbre, mais l’un des deux cents membres anonymes de la Communauté.

Un fou

Au début ses camarades le prenaient pour un fou. “Si vous vous couchez tous les matins à cinq heures après avoir traîné les boîtes de nuit, vous êtes normal, mais si vous vous levez à l’aube vous êtes un fou”, constate-t-il avec un peu d’amertume.
Pour d’autres, cette attitude, étrange de la part d’un comédien, n’était encore qu’une forme de publicité. Mais comme cette vie austère dure depuis six ans et qu’aucun comédien ne montre un tel mépris de l’argent, de la gloire, du rôle qui rapporte, il leur a bien fallu admettre que Gianni Esposito était sincère.
Il le faut pour refuser des rôles, n’accepter que des œuvres de haute qualité, consacrer son temps à des récitals d’avant-garde où, seul sur scène, il récite des textes et des poèmes de mystiques : Krisna (2.000 ans avant J.-C.), saint François d’Assise, Nietzsche ou le père Teilhard de Chardin.
Si donc on le traite encore d’étrange, d’original, d’illuminé, on doit bien reconnaître qu’il est mû par une conviction profonde. Et quand il déclare avec un merveilleux sourire “Aujourd’hui, je suis plus fort, plus vivant, je m’épanouis !”, il faut bien avouer qu’il dit vrai.

Agnès Rondeau